Retour en force de la piraterie dans le Golfe de Guinée

Retour en force piraterie Golfe de Guinee

Les 2 et 4 novembre derniers, deux attaques maritimes successives ont eu lieu dans le Golfe de Guinée. Des pirates ont respectivement pris en otage 9 puis 4 marins au large du Bénin puis des côtes togolaises, alors même que se déroulait depuis le 28 octobre un exercice naval de sécurisation du Golfe par la Marine française accompagnée de 14 pays africains[1]. Ces cas d’exemples sont révélateurs du phénomène de progression de la piraterie maritime au large de l’Afrique de l’Ouest.   

 

DES ATTAQUES DE PLUS EN PLUS FRÉQUENTES

Lors de la dernière attaque en date, quatre marins naviguant sur un pétrolier battant pavillon grec ont été enlevés au large des côtes du Togo, près du port de Lomé. Des pirates armés sont montés à bord à l’aide d’échelles ; malgré la présence d’un agent de sécurité armé qu’ils ont blessé. S’en est suivit l’envoi immédiat d’une vedette et d’un avion togolais sur zone, appuyés par un avion français, qui n’ont toutefois pas encore permis de retrouver les assaillants et leurs quatre otages[2].

De telles attaques de bateaux sont de plus en plus fréquentes dans cette région. Les pirates sont le plus souvent des nigérians qui opèrent principalement à partir des voies navigables du delta du Niger. Leur mode opératoire est précis : ils ne gardent jamais les navires. S’ils les détournent parfois durant plusieurs jours pour prendre le temps de piller leurs soutes, ils ne tardent pas à regagner la terre pour cacher leurs otages. Ils ont demandé ensuite d’importantes rançons contre leur libération.

 

LE GOLFE DE GUINÉE, NOUVEL ÉPICENTRE DE LA PIRATERIE MONDIALE

Dans un rapport publié en juillet 2019, le Bureau maritime international (BMI) souligne que 37 attaques au total ont eu lieu dans cette région en 2019, contre 23 en 2015[3]. Le Golfe de Guinée abrite les deux principaux pays producteurs de pétrole d’Afrique subsaharienne : le Nigeria et l’Angola, ainsi que de nombreux puits de pétrole offshore. Il est donc très attractif aux yeux de nombreuses entreprises multinationales venues s’implanter dans la région ; mais également aux yeux des pirates. Ces derniers perturbent fortement les voies internationales de transport maritime commercial qui s’y sont développées.

Le BMI a également relevé que 43 % du total mondial des enlèvements en mer ont eu lieu dans le golfe de Guinée en 2019[4]. Paradoxalement, si ce phénomène prend de l’ampleur en Afrique de l’Ouest, la piraterie maritime décline dans le reste du monde. Par exemple, le golfe d’Aden situé entre la corne de l’Afrique et la péninsule arabique était la zone la plus affectée au monde par la piraterie entre 2007 et 2012. Toutefois, les attaques ont drastiquement baissées depuis. En effet,  grâce aux patrouilles de marines étrangères et à l’emploi de gardes armés privés aucune n’a été recensée en 2019. Un phénomène similaire a été observé en Asie du Sud-est. Dans cette région des patrouilles mixtes entre des pays (Indonésie, Malaisie, Philippines) ont permis de réduire les attaques de pirates. Alors que ces attaques étaient à leur apogée dans la région entre 2014 et 2015[5].

 

DES RÉPONSES ENCORE INSUFFISANTES AU MANQUE DE SÛRETÉMARITIME

Les pays du Golfe de Guinée tentent de lutter contre ces phénomènes qui pénalisent leurs économies. Dès 2013, vingt-cinq États d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont signé le Code de conduite de Yaoundé, visant à favoriser la coopération régionale en matière de prévention et de répression des actes illicites commis dans le Golfe[6]. Malgré certaines réalisations concrètes, les menaces liées à la piraterie persistent. Ainsi, la mise en application de ce Code se heurte au manque de moyens, à la question épineuse des frontières maritimes et au déficit de législations nationales de la plupart de ces pays en matière maritime.

Pour combler ces failles, plusieurs initiatives internationales ont été mises en place. Par exemple, des programmes annuels d’assistance de l’Organisation maritime internationale ; ou des exercices entre les marines occidentales et celles des États du golfe de Guinée. A l’image de l’opération française Grand African Nemo, de tels exercices sont régulièrement organisés. Cela afin de développer les compétences des forces de sécurité locales dans la lutte contre la piraterie, la pêche illégale et les trafics en tout genre ayant lieu dans cette zone maritime stratégique.

 

[1]« Togo : quatre marins enlevés au large de Lomé », TV5 Monde, 04.11.2019

[2]« Des marins enlevés par des pirates au Togo », 05.11.2019, BBC News

[3] « Piracy and armed robbery against ships », Bureau maritime international, Juillet 2019, https://www.icc-ccs.org/reports/2019Q2IMB-Piracy-Report.pdf

[4]Ibid

[5]« Le golfe de Guinée est désormais le pire point chaud du monde dans le domaine de la piraterie », News 24, 29.10.2019

[6]« Golfe de Guinée : la sûreté maritime est aussi une question terrestre », Jeune Afrique, 06.12.2017

Rédaction : Emilie MOUSSET, Junior Analyst